mercredi 9 avril 2008

2.3. A l'ecole de Jésus pour combattre la sorcellerie collective

2.3. A l'école de Jésus pour combattre la sorcellerie collective

# 52.- Les baptisés ont fortement besoin en Afrique de revenir au point de départ de l’existence de Jésus. Une fois que l’Esprit est descendu sur Lui au (p. 22) baptême, Jésus s'est rendu au désert pour se laisser féconder par la Vie qui vient de Dieu (Lc 4,1-2). Il y a fait l’option d'exister pour faire la volonté de Dieu (Lc 4,3-13). II s'est refusé aux propositions du prince du Mal pour être fidèle, jusqu'au don suprême de sa vie, aux mots qu'il a clamés en entrant dans le monde «Je suis venu, ô Dieu, je viens pour faire ta volonté» (He 10,7).

# 53.- Imiter ce Jésus le Nazaréen représente, en Afrique, pour les baptisés, la seule voie de l’action efficace contre la logique du nivellement social; la démarche à entreprendre est celle du mouvement intérieur qui engage le disciple à vivre non pas selon les oeuvres de la chair, mais à porter les fruits de l'Esprit (Gal 5,19-25) afin que l'Afrique entière soit au service de la vie. Cet engagement exige des disciples la trans­formation intérieure pour se donner pour option fondamentale de devenir, dans le Christ, le témoin de la victoire des peuples d'Afrique sur les mentalités et les pratiques qui entretiennent l'ivraie dans le champ de la vie.

# 54.- L'adhésion des baptisés à Jésus-Christ devra s'exprimer dans des termes qui affirment, en parole et en acte, que Dieu est l'Esprit de vie qui invite l'être-vie, l'homme à une vie qui passe et se construit, d'une part, par la mort à soi et, d'autre part, par la mort à des pratiques d'ensorcellement et de destruction de la vie personnelle et collective. Les baptisés d'Afrique ont à inculturer, dans les réalités de leur société fortement marquée par la sorcellerie, leur réponse à la question «Et vous, qui dites-vous que je suis?» (Mt 16,15) que Jésus-Christ pose à tous ses disciples pour qu'ils le confessent à partir de leurs réalités historiques et culturelles.

# 55.- L'Eglise devra, dans ce cadre, faire découvrir aux Africains, dans sa proclamation de la Parole, que le Sauveur auquel ils adhèrent, en la personne du Nazaréen, est un Dieu qui est à l'oeuvre dans le monde et y a instauré un Royaume de vie pour y détruire dans le coeur de I'être-vie, dans ses traditions religieuses et culturelles et dans toutes ses pratiques sociales, le péché de la sorcellerie, de l'appauvrissement collectif et de tout péché.

# 56.- La simple confession du symbole de la foi de Nicée-Constantinople et le catéchisme classique des commentaires de ses articles ne suffisent plus alors pour faire confesser et vivre les exigences de la foi au nom de Jésus-Christ en Afrique. Sans rien rejeter de la révélation de Dieu qu'enseigne Nicée-Constantinople, il faut inculturer le symbole de la foi, pour qu'en Afrique les baptisés expriment leur adhésion au Seigneur de la Vie dans la culture et l’histoire de leurs égarements et de leurs quêtes de vie véritable.

#.57.- Les baptisés seront, de nos jours, difficilement les acteurs du Royaume de Dieu dans les réalités de leur continent «anthropologiquement pauvre», tant que la foi qu'ils confessent, pour en être les témoins, ne leur fait pas trouver en Jésus-Christ le Maître et le Sauveur qui les libéré des croyances et des mentalités du nivellement social et de toutes formes de péchés.

# 58.- Le Credo récité par les fidèles ne peut contenir en détail, dans tous ses articles, la révélation judéo-chrétienne sur toutes les questions sociales et culturelles de l'Afrique. Cela est vrai. Mais, il n'est pas moins vrai que pour être authentiquement et pleinement proclamé de nos jours en Afrique, il doit investir, dans le contenu et le langage de sa formu­lation, la forêt des croyances aux forces invisibles, la vie de foi et l’imaginaire qui structurent les rap­ports au monde invisible et les pratiques d'ensorcellement et de passivité économique qui rongent les sociétés africaines.

# 59.- L'Afrique se sent véritablement concernée par l’Evangile lorsque l’enseignement de l'Eglise, par son mode de transmission et son contenu sur la vérité de foi, éclaire et enrichit ses traditions culturelles et religieuses fort complexes et ambiguës, dans les relations qu'elle nourrit entre l'être-vie et l'invisible. Les grands problèmes du développement et de l'édification d'un christianisme africain (p.23) s'expliquent par les croyances et les pratiques traditionnelles qui refusent l’Afrique au développement inté­gral. Ces dernières rendent souvent les Africains incapables de combattre des problèmes de misères infrahumaines que des peuples d'Occident et d'Asie maîtrisent plus aisément, même s'ils ont plus de mal que les premiers a s'accommoder d'autres exigences non moins importantes du message de l'Evangile.

# 60.- Le symbole de la foi, sur le continent, fera du Dieu et des esprits du monde invisible auxquels l'Africain croit, le lieu de la nomination de Jésus-Christ ou alors il sera constamment exposé à devenir une répétition machinale d'articles de foi qui ne touchent pas en réalité les croyances, les modes de pensée, le langage culturel, les images, les expressions, les mots, les joies, les échecs, les combats et les espérances de son peuple.

# 61.- Nous devons «les principaux symboles» - le symbole des Apôtres, celui de Nicée-Constantinople et celui de Saint Athanase -15 à la fidélité de l'Eglise au principe de l'inculturation du dogme.16 La fidélité de l'Eglise à ce principe, notamment chez les peuples occidentaux et orientaux, a permis d'exprimer dans le langage philosophique et théologique gréco-romain la foi que nous proclamons aujourd’hui. De nos jours, l'Eglise universelle récite tantôt le symbole dit des Apôtres, tantôt celui de Nicée-Constantinople sans jamais trahir le dépôt révélé, au nom du principe de l'inculturation ou de l'expression plurielle de l'unique foi. Le contenu de chacun de ces deux symboles confesse l'unique foi dans des formules qui répondent à des défis christologiques bien spécifiques dans le temps et l'espace. L'Eglise peut, aujourd'hui, toujours au nom du respect de cette même règle, formuler, à l’heure de l'inculturation en Afrique, un symbole de la foi dans un langage qui prend fortement en compte les réalités de la vie et de la culture de nos peuples. Dans l'exercice de son pouvoir au service de l'Eglise, le Magistère peut bien faire alterner un tel symbole avec l’un ou 'autre des deux symboles que nous récitons actuellement dans nos célébrations liturgiques.

#62.- Le sensusfidelium11 et le ministère prophétique du Magistère local et universel doivent se conjuguer pour qu'une telle inculturation du symbole de la foi devienne réalité. Les défis de la foi en un Dieu Père, Fils et Esprit dans les sociétés et Eglises d'Afrique d'hier et d'aujourd'hui ne sont pas, à tous points de vue, ceux qui ont été aux origines du symbole dit des Apôtres dont les «additions (...) ont été approuvées par l'Eglise universelle, des le Vème siècle».18 II en est de même des hérésies christologiques qui ont abouti aux énoncés du symbole de Nicée-Constantinople qui ont commencé en 325 (Nicée) pour être solennellement approuvés après plus de cent ans, au Concile d'Ephèse en 431. S'ouvrir aux défis de nos sociétés dans des Eglises particulières qui se nourrissent de ces deux symboles ne peut qu'enrichir l'Eglise universelle dans sa confession de la foi en Jésus-Christ pour lui faire promouvoir l'expression plurielle de l'unique foi.

# 63.- Dans ce sens, les Eglises locales d'Afrique devront poursuivre les efforts nécessaires pour que la liturgie, la catéchèse et toutes les célébrations chrétiennes de la vie soient le lieu de la créativité et de la maturation d'une inculturation qui prend corps dans les croyances, les gestes culturels et les pratiques sociales qui appauvrissent le continent. II est capital, en effet, de faire confesser aux Africains englués dans un monde hanté par l'invisible, fragilisés par l'ignorance et livrés à des pratiques d'ensorcellement collectif, une foi chrétienne qui les engage et les rend capables de tenir au jour du jugement dernier devant le Dieu en qui ils ont cru dans des sociétés fortement affaiblies par la sorcellerie.

#64.- La foi chrétienne doit faire des baptisés africains des témoins qui ne se présenteront pas devant Dieu comme des gens qu'Il ne reconnaîtra pas, d'une part, parce que les effets de la sorcellerie collective (p.24) les a rendus, dans l'ensemble, incapables de partager avec ceux qui ont faim, soif, etc. (Mt 25,31-46) parce qu'ils n'ont pu eux-mêmes se libérer de la misère infrahumaine. Et, de l'autre, parce que le rapport actuel de l'Eglise19 à la loi de l'inculturation ne leur aurait pas permis, de leur vivant, de confesser aisément dans leurs langues le Nom de Dieu, pour en vivre de manière à transformer de l'intérieur les croyances contraires au bien-être et à la sanctification des personnes.

# 65.- Les baptisés africains ont la responsabilité de promouvoir tout ce qui peut leur permettre de se procurer du pain de la route et de recevoir du Christ le pain de vie dont ils ont besoin pour changer de vie, demeurer en Dieu, et offrir aux autres et à la nature entière de rayonner de la gloire de Dieu. La foi chrétienne ne peut répondre à ces exigences évangéliques sans embraser, du feu de l'Esprit et de la foi confessée et vécue par les baptisés, le bosquet de croyances aux forces invisibles devenues des espaces de cultes et de pratiques d'appauvrissement humain.
************

Aucun commentaire: