mercredi 9 avril 2008

1.2. La gravité du problème

1. La sorcellerie collective en Afrique: faits et méfaits

1.2. La gravité du problème

# 24.- La culture de aje et bo, voire la culture de la sorcellerie, paralyse le développement social et économique de l'Afrique. Généralement, ceux qui n'adhérent pas à la sorcellerie recourent paradoxalement à ses principes de base pour exister au milieu des leurs. Us consultent les tradi-thérapeutes, les prêtres traditionnels ou les marchands de forces occultes pour se protéger contre des esprits malveillants. Des familles soumettent leurs membres dès la naissance ou à des étapes de la vie à des rites culturels et à des gestes culturels pour mettre ceux-ci à l'abri de tout mauvais sort.

# 25.- Rien ne se fait sans que l’on recherche auprès du monde invisible des énergies d'autodéfense. Pour entreprendre un travail, pour évoluer dans une fonction et s'assurer de réussir sur le plan social, professionnel et commercial, hommes et femmes se préoccupent avant tout d'acquérir de forces spirituelles et occultes. Ici aussi, nul ne fait connaître sa puissance à l'autre sous peine de la voir contrecarrée et anéantie par celui-ci.

# 26.- La logique de cache-cache aggrave les habitudes de la mentalité de méfiance et de mensonge et fait se développer, dans les milieux africains, une culture des apparences. Selon celle-ci, la sagesse consiste pour un individu à être avisé pour présenter à la société la figure qui peut, à chaque instant, garantir sa sécurité. Une personne ne doit faire voir et savoir à son/ses proches que ce qui l'arrangerait, et lui permettrait de ne pas être victimes de jalousies et de haines meurtrières. Le sujet évite également de paraître aux yeux des autres comme un malheureux ou un riche pour ne pas faire la joie de ses ennemis ni être envié et exposé aux machinations perverses des autres.

# 27.- Chez beaucoup de peuples africains, notamment chez les Waci et les Aja-Ewe, la méfiance et la culture des apparences laissent circuler des dictons et des proverbes qui entretiennent ces conduites sociales: Adu konu vo, adometo le vo, «toutes blanches, les dents illuminent le visage d'un beau sourire, mais ce qu'est l'homme au plus profond de lui-même n'y correspond guère». On encore: Evu le nume na gake wo tuna etan e, «le sang est rouge et pourtant la salive est blanche». Ces propos viennent affirmer que, dans la nature, l'apparence des choses ne correspond pas toujours à ce qu'elles sont en elles-mêmes. II y a toujours une enveloppe qui recouvre un noyau; derrière le visible, il y a toujours l’invisible. La conclusion est claire: il ne faut jamais se dévoiler totalement aux autres dans une société de pratiques occultes. Beaucoup de gens en sont convaincus et s'y conforment.

# 28.- Du coup, nul ne joue toujours ou véritablement franc-jeu dans les rapports sociaux. Chacun a peur de l'autre, et l’on se méfie l’un de l'autre dans un champ social ou l’on sait pourtant qu'on doit vivre ensemble et collaborer pour le bien-être collectif. 11 est évident que rien d'efficace et de permanent ne peut se construire en vue du développement humain dans une telle ambiance.10

# 29.- Cette logique renforce la culture du mensonge et de l'individualisme pour aggraver les problèmes du manque d'engagement des Africains face aux (p. 17) problèmes du développement intégral de leur conti­nent. Elle offre à quelques-uns un environnement propice à l’instauration d'un ordre d'intimidation et de domination des autres. Des personnes qui détiennent des forces occultes, la connaissance de plantes médicinales et le pouvoir politique imposent souvent leur loi aux autres. Les autres n'osent pas les affronter, même dans la lutte pour une cause juste. La peur de perdre ses modiques biens de subsistance, d'exposer sa propre vie et celle de sa famille explique généralement ce manque d'audace et de responsabilité. Ceux qui veulent braver cette peur doivent non seulement compter fermement sur leurs forces occultes, mais aussi être prêts à assumer l’incompréhension et les mises en garde des malveillants.

# 30.- Que faire dans un tel contexte? Que faire pour que la majorité des Africains abandonne la logique du nivellement social et la mentalité selon laquelle il faut s'enrichir au moyen des forces occultes et de l’instrumentalisation de la politique? Notre contri­bution consistera dans un premier temps à prolonger les réflexions qui ont porté de manière critique sur le mal que représente ce que nous avons appelé la sorcellerie collective. Dans un second temps, nous nous efforcerons de montrer comment l'enseignement et la pratique de Jésus inviteraient l'Afrique à développer une autre logique sociale que celle qu'elle semble privilégier dans le monde actuel.
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