mercredi 9 avril 2008

2.1. La vraie Afrique et l'Afrique des ronces.

2. Horizon d'une réponse africaine
à la sorcellerie collective

2.1. La vraie Afrique et l'Afrique des ronces.
# 31.- Le Professeur Gbegnonvi remet en question les tra­ditions ancestrales et religieuses, notamment les conceptions du monde et les pratiques déviantes du culte du vodu qui favorisent toutes les formes de sorcelleries que l’on enregistre dans nos societes.11 II dénonce l’articulation de la culture africaine autour des valeurs du manger et des pratiques ancestrales qui bloquent le développement social des campagnes et des villes comme Ouidah, Abomey, Savalou, etc. au Benin. Ces villes, qui ont été les premières au Dahomey à entrer en contact avec l’Occident à partir du XVIme siècle, n'ont guère évolué du fait de leur trop grand attachement à des croyances et pratiques aliénantes du vodu, qui se rattachent à aje, bo ou à la sorcellerie.

# 32.- Pour porter plus loin ces réflexions, nous voudrions, pour notre part, relever les contradictions internes à la croyance au monde de à l’invisible et à la sorcellerie. Pourquoi le nivellement social? Comment comprendre que des gens ne veuillent pas que les autres réussissent et aient de bonnes conditions de vie lorsqu'ils le méritent? On peut relever, d'une manière générale que les individus qui ne font pas grand'-chose pour améliorer leur situation sociale sont jaloux des autres et leur veulent du mal. Les personnes oisives méprisent souvent ceux dont la vie de travail les remettent en question. Les vaillants travailleurs que l’on rencontre dans nos sociétés montrent que 1'Afrique subsaharienne ne se réduit pas aux groupes de jeunes et d'hommes oisifs qu'elle compte en son sein comme tous les autres continents. L'Afrique des femmes et des hommes travailleurs révèle que le continent n'est pas la terre des paresseux comme le prétendent des mythes montés sur le «nègre» dit «fainéant» et «vicieux».12

# 33.- Les travailleurs se trouvent malheureusement confrontés, en Afrique plus que sur les autres continents, à des conditions de vie dégradantes. Celles-ci s'aggravent, de jour en jour, sous les effets pervers de la mondialisation ou du système politique et financier mondial à travers lequel les pays du Nord imposent leurs diktats aux pays en développement. Face à une telle situation, il est nécessaire de faire comprendre, dans les différents milieux, que la (p. 18) grandeur de I'homme tient autant à son travail qu'à 1'instauration d'un ordre social qui améliore, sous les deux, les conditions de vie de tous, petits et grands. Les personnes oisives doivent, pour leur part, apprendre à oeuvrer, à travers le travail, pour 1'amelioration de leur condition de vie. II leur incombe de prendre conscience que 1'honneur d'une personne est de construire, au prix du tra­vail, son épanouissement humain. Ce qui, partout sur la terre, et tous les jours, unit et rassemble, à longueur journée, les hommes et les femmes responsables de leur destinée, c'est le travail. L'oisiveté et la paresse isolent et dégradent l’être humain. Elles 1'appauvrissent et renferment dans la misère et la haine des autres lorsqu'il croit que son état est la règle et que tout le monde doit être misérable comme lui.

# 34.- Celui qui excelle dans la vie et opère des réalisations économiques ne doit pas être considéré comme une menace pour le groupe. II est plutôt un modèle qui indique aux autres, particulièrement aux paresseux, ce que doit être une vie engagée dans le combat de
l'homme contre la mort. L'anthropologie africaine de la vie-mort-vie montre que seul celui qui améliore sa condition de vie et peut investir sur le plan économique est le modèle éthique et non l'homme appauvri, oisif, jaloux et méchant qui se plait a paralyser l'essor des autres membres de la communauté.

# 35.- La culture du nivellement social ne garantit l'avenir de personne, pas même celui de ses propres protagonistes. Dans nos cultures africaines dont l’âme est la vie, l'existence ne peut être synonyme de pratiques qui sèment la mort, entretiennent la haine, la méchanceté dans les rapports humains, l'appauvrissent collectif ou la standardisation d'une condition de vie médiocre dans la société.

# 36.- La vraie Afrique, celle qui a opté pour une culture de la vie et dont l'anthropologie ouvre l'horizon de la vie, engage l'individu à devenir un agent de la victoire de la vie sur la mort. L’Afrique dont il est question n'est pas angélique. Elle ne détient pas des valeurs toutes pures et des moeurs parfaites depuis les origines, avant la rencontre avec l'Occident et le monde arabe. La vraie Afrique désigne le continent d'hommes et de femmes qui ne sont pas des stéréotypes, des individus caractérisés collectivement par des moeurs dites sauvages ou païennes. La vraie Afrique est celle de la réalité et du réalisme. Elle est faite de personnes, de toutes catégories et classes sociales, qui s'efforcent de réaliser leur existence en luttant, en eux et autour d'eux, à travers des structu­res sociales, contre tout ce qui détruit la vie du grou­pe. Elle comprend aussi ceux qui, contrairement à ces derniers, sont plutôt inactifs. La vraie Afrique est aussi celle de nombreuses foules de jeunes et de femmes qui, ici, cherchent désespérément du travail dans un monde qui n'en offrent plus et la, prennent des initiatives qui restent sans lendemain, à cause des situations de crise socio-politique et de l'oppres­sion économique du système mondial d'enrichissement des pays riches au détriment des pays pauvres. Les fils et les filles de cette Afrique recourent aux croyances et aux pratiques ancestrales pour trouver des solutions à leurs échecs sociaux. Aussi certains s'adonnent-ils à la sorcellerie sous toutes ses for­mes. Mais les personnes responsables ne pactisent pas avec la sorcellerie. Elles n'entreprennent rien pour nuire à autrui ni n'empêchent quiconque d'exceller dans la communauté humaine. Elles ne se laissent pas dominer par les désirs de mépris et de violence. Elles ne ménagent aucun effort pour développer la qualité de vie éthique qui fait du sujet un homme accompli, celui qui devient, ici-bas et par delà la mort, un exemple et une source de bénédictions pour les membres de sa communauté. Ces types d’Africains mènent, en dépit de tout, une vie fraternelle. Ils ne cherchent de mal à personne dans la pratique de la Religion Traditionnelle Africaine. Ils ne lient pas de pacte avec les sorciers et les marchands de pratiques occultes et de rites magiques. (p.19)

# 37.- Ces Africains n'apparaissent pas toujours au grand jour contrairement aux partisans des moeurs aliénantes. La vraie Afrique est une terre qui porte à la fois des plantes provenant du bon grain et des herbes mauvaises (cf. Mt 13,24-30) que sont les men­talités et les pratiques du nivellement social. L'Afrique des ronces ne devra pas étouffer pour longtemps encore I'Afrique des sujets responsables. II est nécessaire que les valeurs de cette dernière l’emportent sur celles qui sont en contradiction avec la foi chrétienne et ses exigences évangéliques.
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