mercredi 9 avril 2008

2.2. Jésus-Christ et la sorcellerie collective

2. Horizon d'une réponse africaine à la sorcellerie collective

2.2. Jésus-Christ et la sorcellerie collective

# 38.- Nous avons utilisé les images évangéliques du bon grain et des ronces pour présenter les traits caractéristiques de I'Afrique. En nous insérant dans le cadre des enseignements que ces images véhiculent Dans l’Évangile de St Matthieu, nous pourrions traiter l’expérience de Jésus-Christ en rapport avec le problème de l'oisiveté et du nivellement social. Comment l'expérience vécue par Jésus-Christ peut-elle contribuer à la conversion des personnes en vue d'insuffler un dynamisme de vie nouvelle aux croyances et aux pratiques de la sorcellerie collective?

# 39.- Soulignons que Dieu se révèle comme un Dieu tou­jours à l’oeuvre lorsqu'Il laisse le bon grain pousser avec 'ivraie (Jn 5,17; Mt 13,28-30). II est aussi le Maître de la vigne qui travaille et le Maître de la moisson qui envoie les ouvriers clans son champ (Mt 20,1-7). Il est le Sauveur qui veille pour qu'aucun de ses enfants ne s'égare ni n'entraîne les autres dans des pratiques qui provoquent le péché et la mort (Mil,6; Ac 9,42).

# 40.- Jésus invite les hommes à entrer dans son Royaume. En sa personne, Dieu se manifeste au monde et le monde entre dans un temps nouveau de conversion (Me 1,14-15). Le temps dans lequel le Royaume introduit les hommes met fin aux mentalités et aux comportements qui maintiennent 1'ordre d'aliénation humaine, d'injustice et d'oppression établis par les docteurs de la loi et les maîtres de ce monde (Mt 5.2148).13

# 41.- L'ère du Royaume est le temps nouveau dans lequel le Messie de Dieu insère l’humanité. Elle instaure dans le monde l'ordre de la Parole de vie et apporte aux hommes l'utopie des mentalités et des pratiques favorables à l'épanouissement humain, selon le projet de Dieu.14 La Parole de vie affirme que Jésus-Christ est Seigneur. II domine les principautés, les êtres visibles et invisibles, au ciel et sur terre (Col 1,16-20). Il a répandu son Esprit sur les siens (Jn 20,20-23; Ac 2,14), 1'Esprit de la victoire de Dieu sur les forces de mort que représente le mal et tous ses artisans. Sa loi est l'amour, un amour qui recommande de ne pas faire aux autres ce que l’on n'accepterait pas de subir soi-même de la part des autres (Mt 22,36-38; Lc 6,31; Tb 4,15).

# 42.- Jésus de Nazareth ne préconise pas le nivellement social qu'alimente la sorcellerie collective. II n'instaure pas un ordre qui consacre un niveau de vie misérable. II n'est pas un nécessiteux qui fait de sa situation d'infortune une règle qu'il cherche à imposer à tous. Dans son rapport avec les hommes et dans son enseignement, jamais le Nazaréen ne s'est montre comme une personne oisive et paresseuse, un nécessiteux et un jaloux qui nuit aux autres et cherche à empêcher leur bien-être et leur développement humain. II court plutôt aux secours des pauvres et les engage à devenir des agents de 1'epanouissement humain et des acteurs du Royaume de vie et de bonheur éternel qu'il manifeste en sa personne.

# 43.- En la personne de Jésus-Christ, le Père fait des hommes ses enfants et leur donne de devenir ses fils dans son Fils (Lc 20,36; Ga 4,3-7). Le Fils dans sa relation aux hommes fait d'eux ses frères et non des rivaux à haïr et à éliminer (He 2,11-12). En tant que le Fils du Père éternel en qui, par qui et pour qui tout a été créé, dans 1'Esprit, Jésus-Christ a partagé, à la création 1'image et la ressemblance de Dieu avec ses frères, faisant ainsi d'eux des créatures invitées à devenir ce qu'est leur Créateur (Col 1,12-21). L'Ecriture dit expressément que Dieu veut que les hommes soient saints comme Lui est Saint (Lc 11,44.19,2; Mt 5,48).

# 44.- Le Père et le Fils dans leur auto-communication aux hommes leur transmettent 1'Esprit qui fait leur unité. Dieu établit avec ses enfants une relation de gratuite, d'amour et de don de sa Plénitude-Vie. Dans le Fils, il appelle à Lui. Jésus proclame à ses frères qu'il est l’envoyé du Père venu dans le monde pour qu'ils aient la vie en surabondance (Jn 10,10). Il leur interdit de se haïr ou de se faire du mal. Et même, 1'ennemi doit être aime et ne doit être 1'objet d'aucune malédiction (Lc 6,28; Rom 12,14), voire de pensée, de projet ou d'action visant à le vouer à un sort malheureux. II appelle tous les hom­mes à se convertir, et plus particulièrement 1'offen­se et 1'offenseur (Mt 5,23-24). L'Evangile abonde en récits sur la miséricorde de Dieu envers les pêcheurs et sur 1'invitation des hommes à aimer ces derniers (par exemple Lc 15,3-32). En Jésus-Christ, Dieu a donné, jusqu'à la mort sur la croix, le témoignage de 1'amour que tout homme doit avoir pour le méchant (Lc 23,33-43). L'Ecriture donne, dans ce contexte, en exemple, la démarche de conversion d'un malfaiteur (vv. 40-42). Jésus accueille ce dernier et lui promet la vie éternelle (v. 43).

# 45.- II n'y aucune attitude de nivellement social en Dieu. Le désir de Dieu révèle en Jésus-Christ est que nul ne reste dans sa situation de pauvreté ni ne stagne dans un état de bien-être humain. L'Envoyé de Dieu aime tellement le pauvre d'une manière préférentielle qu'il a fait de son ministère un don de soi de sa personne pour faire sortir celui-ci de sa condition misérable (Lc 4,16-21).

# 46.- L’attention que Dieu porte aux plus pauvres, aux brebis perdues, éloignées de la prairie où elles peuvent trouver la sérénité, la protection et la vie (Lc 15,3-7), apparaît dans le récit sur l'envoi des ouvriers dans la vigne (Mt 20,1-16). Tout comme II ramène la brebis perdue et lui fait connaître la paix que les quatre-vingt-neuf autres trouvent dans sa clôture (Lc 15,6-8), le Maître du domaine donne aux derniers ouvriers les mêmes salaires que les premiers (Mt 20,8-15). Jésus nous fait découvrir davantage 1' ordre du Royaume qu' II manifeste en sa personne: ceux qui sont abandonnés de tous sont eux aussi pris en considération (w. 6-7), les derniers deviennent les premiers (w. 8.16), et les premiers doivent se refuser à la jalousie afin de pouvoir partager la joie des derniers devenus premiers et bénéficiaires, comme eux, de la générosité de la bonté du Seigneur (w. 10-15, voit aussi Lc 15,25-28). La péricope de Lc 15,11-32 enseigne que celui que l’on peut considérer comme «premier» parce qu'il observe la loi est appelé à une fidélité d'amour. La péricope de Mt 19,16-30 prolonge cet enseignement et souligne que celui qui est «premier» ou qui est parvenu au sommet de la fidélité à la loi d'amour doit viser plus haut. II lui faut rechercher le Royaume des cieux en renonçant à ses richesses pour marcher a la suite du Christ (Mr 19,20-22). Dans 1'Evangile, on compte parmi les pauvres, les hommes et les femmes qui ont choisi de faire régner dans la société la loi du Royaume et non celle qui prévaut dans le monde (Mt 5,3). Dans la problématique de cette étude, ces disciples du Maître représentent des fils et des filles du Royaume qui ne désirent pour personne la mort culturelle, sociale, politique, économique, morale, spirituelle on physique. Jésus dénonce publiquement les pharisiens et les légistes qui sont loin du Royaume et en éloignent les autres (Lc 11,39-52). II ne veut pas que celui qui s'appauvrit, parce qu'il entretient des mentalités et des pratiques contraires aux valeurs du Royaume, à la manière de ces chefs du judaïsme, barre aux autres le chemin de la vie qu'il apporte, en sa personne, au monde.

# 47.- Source et Actualisateur par excellence de la vie qui accomplit 1'etre-vie (Mt 19,16), Jésus nous fait (p.21) découvrir ce qu'il nous faut apporter aux pauvres. La responsabilité envers les personnes appauvries ne consiste pas à leur offrir le pain pour qu'ils aient de quoi manger, eux et les leurs, en toute tranquillité à la lumière de la péricope Mt 20,1-16 que nous avons longuement commentée plus haut: Jésus enseigne qu'il est question de donner aux pauvres du travail, de les mettre à l’oeuvre dans la vigne de Dieu pour qu'ils puissent, au terme de leurs efforts, bénéficier des largesses divines. Cela est évident dans le verset 8 de la péricope qui affirme que le Maître ne comble de biens ceux qui étaient naguère des chômeurs, qu'à la fin de leurs actions pour construire le Royaume et témoigner des valeurs de 1'avénement historique et eschatologique du salut.

# 48.- L'envoi des hommes qui sont «restes la tout le jour, sans travail» (Mt 20,6), dans un domaine qui désigne le Royaume de Dieu fait comprendre qu'il ne s'agit pas seulement pour les hommes et les femmes de travailler dans le champ que représenterait le monde et de transformer celui-ci sur le plan du développement purement social pour être heureux ou sauvés. Les hommes sont appelés à entrer dans le Royaume de Dieu, c'est à dire à en épouser les valeurs évangéliques de gratuité et d'amour pour les laissés-pour-compte afin d'être, dans le monde, une lumière qui éclaire les ténèbres, détruit les oeuvres du péché et de la mort, et conduit toute la terre, qui gémit sous le poids du mal et de la perversité humaine, vers l’accomplissement de toutes choses en Dieu (Rm 8,20).

# 49.- Ceux qui partagent cette vocation de l'être-vie dans le Christ se préoccupent moins de chercher à vivre aux dépens des autres que de livrer leur propre vie pour que les autres se libèrent de tout ce qui les appauvrit. Ils pensent moins à ce qu'ils peuvent faire pour empêcher les autres de réussir qu'à ce qu'ils doivent faire pour les amener à se mettre debout pour marcher à la suite du Maître et réussir leur vie. Ces disciples du Christ ont moins peur des forces du mal que de tout ce qui peut les entraîner à en être les partenaires au sein du groupe. Ils ont peur de devenir des coeurs qui entretiennent toutes sortes de méchanceté et produisent des oeuvres de mort dans la société.

# 49.- Les disciples qui sont mus par les valeurs évangéliques sont des sommets d'excellence qui veulent que les autres s'élèvent comme eux. Ils se donnent, comme leur Maître, pour qu'en eux-mêmes et autour d'eux, les ronces du nivellement social n'étouffent pas la bonne plante de l’Afrique et du Royaume de Dieu. De ce point de vue, les bonnes plantes de l’Afrique doivent produire de bons fruits par milliers, par millions. Ainsi, leurs grains, répandus sur tous les espaces, germeront de l’intérieur de la terre de tous les coeurs des Africains pour y arracher les moeurs du nivellement social ou de la sorcellerie collective.

# 50.- II est nécessaire de susciter une dynamique sociale, une pratique chrétienne nouvelle qui institue et donne pour horizon à tous, la recherche de stratégies et d'actions pour sortir toutes les couches sociales africaines des situations qui font que des gens se nuisent les uns et les autres et sont hantés par la quête de sécurité auprès des prêtres traditionnels et des tradi-thérapeutes. La mentalité de sorcier doit faire place à celle du Royaume de Dieu. Avec le Royaume inaugure par le Christ, l'homme, plus particulièrement le baptisé, en Afrique et partout dans le monde, ne vit plus sous la mouvance des forces du mal, des esprits malfaisants, des génies perturbateurs, des vodu terrifiants et des principautés implacables du monde invisible. II est le temple de l’Esprit et se laisse conduire par l’Esprit (7Co6,19).

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